S’informer intelligemment en français


Le but de cette page est de faire l’analyse de différents articles d’actualité de la presse francophone afin, d’une part, de mieux connaître les outils rhétoriques de la langue française et, d’autre part, de comprendre les intentions du journaliste ou de la personnalité qui s’exprime dans le texte, à travers les éléments linguistiques utilisés.

Il ne s'agit pas de vous influencer dans votre interprétation de l'article ou de l’évènement, Bien au contraire.Le but est de lire les articles de journaux et d'internet autrement. Plus en profondeur. Pour améliorer votre aisance dans le maniement et la compréhension de la langue mais aussi pour apprendre à aiguiser votre esprit critique face à un texte. 

Cette rubrique s’adresse plus spécifiquement à un public avancé mais aussi aux apprenants de niveau intermédiaire intéressés et motivés ainsi qu’aux francophones curieux bien sûr.

Il s’agit d’une rubrique interactive qui attend vos commentaires.


2ème exemple :
Source : extrait de http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0201730403271-la-zone-euro-a-nouveau-plongee-dans-l-incertituded-interminables-negociations-244813.php




07/11 | 07:00 | mis à jour à 10:01 | Catherine Chatignoux
La zone euro à nouveau plongée dans l'incertitude d'interminables négociations
Pour la zone euro, tout est à refaire, ou presque. La crise politique qui sévit en Grèce va retarder la mise en place du plan de sauvetage. La contagion menace à nouveau de s'étendre, alors que la récession menace.
Après deux sommets européens (les 23 et 26 octobre) et un sommet du G20, l'Europe n'a pas progressé d'un pouce. Au contraire, elle a offert au monde entier le spectacle désolant d'une communauté aux abois, dominée par un couple franco-allemand hyperactif mais condamné à éteindre les nouveaux départs de feu : ultimatum au chef du gouvernement grec se lançant dans un référendum suicidaire, mise en garde puis mise sous tutelle du FMI de l'Italie, troisième puissance économique de l'Union : impossible dans ces conditions de convaincre ses partenaires du G20 qu'il est de leur intérêt de participer au sauvetage de la zone euro. Appelés à contribuer au fonds spécial destiné à racheter de la dette des pays de la zone euro, les dirigeants chinois, brésilien et américains se sont contentés de prodiguer... leurs encouragements. « C'est surtout à l'Europe de régler le problème de la dette européenne », a clairement répondu le Chinois Hu Jintao.
Les incertitudes sur la crise de la zone euro ne sont pas levées et l'on est revenu, ou presque, à la case départ. Le soldat grec n'est toujours pas sauvé : si Georges Papandréou s'est sacrifié hier sur l'autel de l'austérité et de l'Europ, le flou reste important sur le calendrier de la sortie de crise politique à Athènes et sur l'issue des élections anticipées à venir. […] Même si un gouvernement de transition vote les mesures décidées le 27 octobre et fait adopter le budget 2012, les élections anticipées risquent de retarder la mise en place de l'aide. Les dirigeants de la zone euro et le Fonds monétaire international voudront obtenir toutes les garanties politiques de continuité avant de revenir à la table des négociations et de verser la sixième tranche d'aide de 8 milliards d'euros puis le nouveau programme d'aide internationale de 100 milliards d'euros décidée dans son principe lors du sommet du 26 octobre. Or, aussi longtemps que la crise grecque s'éternise, aussi dévastateur sera l'effet de contagion au reste de l'Europe. « Les imbroglios politiques de la Grèce, qui ne représente que 2 % du PIB de la zone euro, sont sur le point de faire vaciller l'Italie, colosse de dette aux pieds d'argile », écrivent les experts de Natixis dans leur note hebdomadaire, avant d'ajouter que « les taux longs italiens s'étant installés au-dessus de 6 %, la crise de liquidité que traverse le pays pourrait bien se transformer en véritable crise de solvabilité ».
Au moment où la France entre à son tour dans une austérité obligée, un autre danger menace : la récession économique. « Les derniers indicateurs annoncent une contraction du PIB de la zone euro entre 0,5 % et 0,8 % au dernier trimestre de l'année » par rapport au précédent, souligne Gilles Moec, économiste à la Deutsche Bank. Même l'Allemagne serait touchée. Pas sûr que les mesures de « relance économique » évoquées dans les conclusions du sommet du G20 suffisent à l'empêcher.


Dans cet article décrivant la situation actuelle des négociations pour sortir la zone Euro de la crise, les intentions de l’auteur sont claires : il s’agit de montrer qu’il n’y a finalement aucun changement par rapport aux jours précédents. L’auteur insiste largement sur cette stagnation, ses causes surtout, tout en révélant quelles en pourraient être les conséquences.

D’abord les mots en bleu : champ lexical pessimiste propre à une situation difficile. Mots pas forcément liés au monde de l’économie. Ils sont très nombreux.
D’abord les adjectifs ou expressions : impossibles, désolant, dévastateur, aux abois. Tous ces qualificatifs se rapportent à l’Europe et à sa situation économique. On pourrait retrouver ce genre d’adjectifs pour décrire une catastrophe naturelle. Ceci rend son message d’autant plus fort et lisible.
Des noms également : les incertitudes, le flou, le danger, la récession. Notons que seul le mot récession appartient au champ lexical économique. Le mot encouragement, précédé de "… "est ici ironique.
Enfin les verbes étaye la notion de danger : menacer, ne pas progresser, risquer. Tous ces verbes sont à l’indicatif. Il n’est pas temps de faire des hypothèses. Ici on parle d’un danger concret.

Les mots et expressions logiques en rouge. Les noms sont suffisamment forts pour éviter la multiplication d’articulations logiques.
Nous en avons repéré deux, lourds de sens : « Même si un gouvernement de transition vote les mesures décidées le 27 octobre et fait adopter le budget 2012, les élections anticipées risquent de retarder la mise en place de l'aide ».
Même si, apporte une idée d’opposition entre une nouvelle positive et une nouvelle négative. La nouvelle positive du début de la phrase est éclipsée par les propos de la fin de la phrase. Utiliser "Même si" en début de phrase renforce donc une fatalité peu optimiste pour l'auteur.


« Or » introduit une nouvelle donnée qui prend le dessus sur le reste du propos d'un passage. Cette donnée explique l’importance de la situation grecque sur le reste de l’Europe. L’utilisation de « aussi… aussi » renforce l’idée de lien entre le destin de la Grèce et celui de l’Europe. Ainsi l’auteur de l’article évoque les conséquences de cette situation qui n’avance pas : la contagion

Dans la dernière partie, on parle d’un autre élément tout aussi concret qui représente également un risque : la récession économique. La phrase courte évoquant le destin de l'Allemagne est d'autant plus incisive que l'auteur ne prend pas la peine de donner les éventuelles conséquences d'une telle nouvelle.

En conclusion, un texte plutôt porté sur le sens des mots, la gravité de la situation que sur la rhétorique. Il n'est pas temps de donner des explications, mais plutôt de dresser un constat pessimiste sur la situation. Par l'utilisation de mots propres à des catastrophes (on parle aussi de "sauvetage"), l'auteur souhaite donner l'alarme.


*** 

1er exemple :
Emilie Lévêque - publié le 06/08/2011 à 16:58

Les Etats-Unis ont perdu leur triple A, quelles conséquences?


Standard and Poor's a dégradé vendredi la note de la dette des Etats-Unis, une première historique qui va amplifier la panique boursière. A court terme, cependant, les effets seront limités. A plus long terme, en revanche, l'ensemble de l'économie mondiale pourrait être affectée. Explications.

Que signifie cette dégradation?
"AAA" est la meilleure notation possible décernée par les agences de notation financière. En bénéficier signifie un retour sur investissement garanti à 100%. Donc prêter de l'argent aux pays notés triple A ne comporte aucun risque. Le fait que la note souveraine des Etats-Unis ne bénéficie plus du "AAA" signifie que prêter aux Etats-Unis n'est plus aucun risque. En théorie, il existe donc une possibilité que les Etats-Unis ne remboursent pas leurs créanciers. Cette éventualité est toutefois à minimiser, car le pays bénéficie toujours de la meilleure notation auprès des deux autres grandes agences financières, Fitch et Moody's - même si cette dernière a placé la dette américaine sous perspective négative et pourrait bien prochainement suivre sa consoeur S&P. En résumé : prêter aux Etats-Unis comporte désormais un risque plus élevé.
Quelles conséquences pour les Etats-Unis?
Les analystes restent prudents ce week-end. Tous guettent l'ouverture des marchés financiers lundi. Un abaissement de la note souveraine d'un Etat implique une hausse du taux d'intérêt auquel cet Etat emprunte, donc un alourdissement de la charge de la dette. Cela reste très théorique puisque l'exemple du Japon, dégradé deux fois - sa note est passée de"AAA" à "AA" - prouve le contraire : l'Archipel, dont la dette atteint 200% du PIB, emprunte aujourd'hui à très bas coût. Néanmoins, la perte du triple A par les Etats-Unis pourrait entrainer une hausse de 0,5 point du taux d'intérêt d'emprunt du pays selon JP Morgan, soit un coût supplémentaire de la charge de la dette de 100 milliards de dollars. Une telle hausse pourrait avoir des conséquences néfastes sur l'ensemble de l'économie américaine : même si le Trésor américain a assuré vendredi que la perte du triple A n'entraînerait pas une dévaluation de la valeur des obligations souveraines, donc une hausse du coût de refinancement des banques américaines sur le marché interbancaire, il est probable que le coût du crédit pour les consommateurs aux Etats-Unis augmente. Une mauvaise nouvelle pour la croissance américaine, qui repose essentiellement sur la consommation des ménages et qui montre actuellement des signes de faiblesse. Ce qui est certain, c'est que les Etats-Unis pourront continuer à se financer sur les marchés sans difficultés, même si cela doit se faire à un coût plus élevé. Les bons du Trésor américain sont en effet le véhicule d'investissement le plus répandu dans le monde.


Les mots en violet : mots de relations logiques, expressions de la certitude ou du doute
Les mots en vert : verbes au futur de l’indicatif (ou futur proche)
Les mots en bleu : verbes au conditionnel

I Ce texte s’intitule « quelles conséquences » et nous retrouvons à l’intérieur un déséquilibre entre les conséquences certaines exprimés au futur, mode indicatif et les hypothèses exprimées grâce au conditionnel, ces dernières étant beaucoup plus nombreuses. Cela semble normal dans le cadre de l’exercice journalistique, d’autant plus en matière d’économie.

A - Observons maintenant auprès de quelles idées sont associées les futurs de l’indicatif.
"une première historique qui va amplifier la panique boursière"
"les effets seront limités"
"Ce qui est certain, c'est que les Etats-Unis pourront continuer à se financer sur les marchés sans difficultés"

Dans ces trois phrases au futur on voit que la première a pour but de prouver que la situation est sérieuse (on justifie le fait d’avoir écrit cet article). Il va y avoir des répercussions sur la panique boursière. Notez l’utilisation du mot « panique », plus léger que le mot « crise ».

Que nous assurent les 2 autres phrases ? Des choses rassurantes. Des effets limités et les Etats-Unis qui pourront toujours trouver de l’argent. La 2ème phrase est même accentuée par l’utilisation de l’expression « ce qui est certain » qui renforce l’idée de vérité déjà établie par le futur simple.

B – Il apparait nettement que le conditionnel est utilisé pour les conséquences les plus pessimistes.

"L'ensemble de l'économie mondiale pourrait être affectée".
"Néanmoins, la perte du triple A par les Etats-Unis pourrait entrainer une hausse de 0,5 point du taux d'intérêt d'emprunt du pays selon JP Morgan, soit un coût supplémentaire de la charge de la dette de 100 milliards de dollars".
"Une telle hausse pourrait avoir des conséquences néfastes sur l'ensemble de l'économie américaine"

II les articulateurs logiques

-Exprimant la conséquence, il s’agit du thème de l’article, on retrouve  « donc » :
"En théorie, il existe donc une possibilité que les Etats-Unis ne remboursent pas leurs créanciers".

Notez que cette conséquence est considérablement atténué par le « en théorie » qui accentue le fait qu’il ne s’agit pas d’une certitude. Les deux autres emplois du mot « donc » du texte ne se rapportent pas directement à des conséquences de l’évènement dont traite l’article. ex. : "Donc prêter de l'argent aux pays notés triple A ne comporte aucun risque". "Un abaissement de la note souveraine d'un Etat implique une hausse du taux d'intérêt auquel cet Etat emprunte, donc un alourdissement de la charge de la dette." Ici on ne parle pas des Etats-Unis, mais d'un Etat. 

- La cause avec « puisque » et « car » :
"Cela reste très théorique puisque l'exemple du Japon, dégradé deux fois - sa note est passée de"AAA" à "AA" prouve le contraire : l'Archipel, dont la dette atteint 200% du PIB, emprunte aujourd'hui à très bas coût."
"Cette éventualité est toutefois à minimiser, car le pays bénéficie toujours de la meilleure notation auprès des deux autres grandes agences financières, Fitch et Moody's"

Les deux mots introduisent une cause, une preuve, une explication. Notez que pour les deux usages qui sont faits dans le texte, les explications sont encore une fois rassurantes et optimistes. « Puisque » qui renforce déjà l’idée de cause évidente, est utilisé avec le verbe « prouver » au présent de l’indicatif. On parle ici d’un élément indubitable, d’une preuve. Et cette preuve est loin des scénarios catastrophes introduis par les phrases au conditionnel.

- Une opposition :
"A plus long terme, en revanche, l'ensemble de l'économie mondiale pourrait être affectée".
Il s'agit ici d'une opposition avec les effets à court terme et ceux à long terme. Les premiers seront "limités" et pour les seconds, même si on ne parle explicitement de problèmes, on note la différence. On conserve toutefois le conditionnel. 

- Et de très nombreuses restrictions qui expriment deux aspects contradictoires d’un même fait ou d’une même idée :
"Cette éventualité est toutefois à minimiser"
"même si cette dernière a placé la dette américaine sous perspective négative et pourrait bien prochainement suivre sa consoeur S&P".
"même si cela doit se faire à un coût plus élevé"
"même si le Trésor américain a assuré vendredi que la perte du triple A n'entraînerait pas une dévaluation de la valeur des obligations souveraines"
"Néanmoins, la perte du triple A par les Etats-Unis pourrait entrainer une hausse de 0,5 point du taux d'intérêt d'emprunt du pays selon JP Morgan, soit un coût supplémentaire de la charge de la dette de 100 milliards de dollars".


Les mots de restrictions structurent l’ensemble du texte alors que l’on trouve finalement très peu de mots informant véritablement d’une cause ou, en lien avec le titre, d’une conséquence. Notons qu’on les retrouve tout aussi bien pour annoncer des faits économiquement rassurants que pour nuancer des propos trop optimistes.